Poète talentueux, traducteur, auteur de poésies pour les enfants, Marko Voronyi est le représentant type de la « Renaissance fusillée ». Comme un grand nombre d’écrivains ukrainiens de 1920-1930, il termine sa vie, fusillé, à Sandormokh, en Carélie, perdu dans la terre du goulag.
Marko
Voronyi est né le 18 mars 1904, à Tchernihiv, dans la famille de l’écrivain,
Mykola Voronyi et de Vira Verbyts’ka-Antiokh, la fille du poète M. Verbyts’kyi
qui a été l’auteur des paroles de l’hymne de l’Ukraine, Ne sont pas encore mortes ni la gloire, ni la liberté de l’Ukraine.
Le parrain de Marko est l’écrivain Mykhaïlo Kotsiubyns’kyi. Son prénom lui est
donné en hommage de l’écrivaine Marko
Vovtchok. Quelques jours après le baptême du petit Marko, ses parents se
sont séparés. Néanmoins, il vit dans une famille nombreuse et unie de son grand
père maternel. Tout petit, Marko prend les leçons de lecture que lui donne sa
grand-mère, Kateryna, avec l’Abécédaire
de Chevtchenko. Aussi, à l’âge de six ans, sait-il bien lire. Très jeune, à l’âge de 7 ans,
il commence à suivre les cours au gymnasium de Tchernihiv. La famille Verbyts’kyi est
souvent fréquentée par des écrivains de renommée (Mykhaïlo Kotsiubyns’kyi, PavloTytchyna). Le jeune Marko les entend souvent déclamer leurs poèmes. Plus tard,
il en écrit les siens.
En 1919, lors
de la guerre civile, Marko s’inscrit en qualité de bénévole dans les bataillons
de la Garde Blanche de Denikine. Mais, comme il n’a encore atteint l’âge de 16
ans, il est renvoyé chez lui. Vu la situation matérielle difficile de sa
famille, il est obligé de travailler comme docker. A cette époque, son père
déménage de Varsovie, où il a été contraint d’immigrer en 1920, à Lviv, ce qui
rend possible leur correspondance. Le jeune poète envoie également à son père
ses premiers vers que ce dernier fait publier dans les revues littéraires de Lviv. Il les
signe alors avec le pseudonyme, Marko Antiokh. A partir de 1923, ses poèmes sont également publiés dans le journal
de Kyïv, « La Vérité prolétaire » (Proletars’ka pravda).
Mykola Voronyi |
Très vite,
Mykola Voronyi obtient la mutation à Kyïv avec le privilège d’habiter un grand
appartement, rue Lvivs’ka. Marko le suit, il s’installe chez lui. Pour la
première fois dans sa vie, il a sa propre chambre. Ecrivain en pleine gloire,
Mykola Voronyi gagne bien sa vie. Il aide son fils à s’inscrire à l’Institut de
Musique et de Théâtre Lyssenko, à la faculté de mise en scène. Marko travaille
même à un studio de cinéma où il enregistre les traductions des films russes en
ukrainien.
La réputation
du père contribue à la publication des poèmes de Marko qui deviennent de plus
en plus nombreuses. A partir de 1926, il les signe de son propre nom. Ses œuvres paraissent
dans la revues « Le Globe » (Globous),
« La Vie et la révolution » (Jyttia
ta revolutsia) et « La Voie rouge » (Tchervonuy chliakh). Pourtant, elles ne seront jamais éditées en
recueil des œuvres complètes ou en œuvres choisies. Aujourd’hui nous
disposons de plus de 500 poèmes de Marko Voronyi. Il est également auteur de
nombreuses traductions en ukrainien de l’allemand (œuvres de Rainer Maria Rilke,
de Georg Heym, d’Albert Lichtenstein),
du français (œuvres de René Sully-Prudhomme,
de Charles Baudelaire, dont l’Albatros), de l’italien (œuvres de Boccace) et de l’hébreu (œuvres de David Hofstein).
En 1929, sa sœur
Moussia ainsi que Halia Levyts’ka et Lada Mohylians’ka, ses amies d’enfance avec
lesquelles il a toujours gardé des contacts, sont arrêtées. Elles étaient
membres de l’Union de la libération des
paysans qui luttaient contre la collectivisation. En tout, 140 habitants de
Tchernihiv sont arrêtés et déportés dans les camps concentrationnaires soviétiques pour 10
ans. Marko abandonne donc la poésie « pour les adultes », pour se
consacrer à la littérature de jeunesse. En 1930, en tirages de plusieurs
milliers, il publie les poésies pour les enfants, Les Constructeurs, Les Cigales, Le Rhinocéros, Le Petit étang (avec
les dessins de Borys Yermolenko, en 10000 ex.) et Les Foulards rouges. Ce sont ses premières publications en volume à
part.
En suivant
le conseil de ses amis, Mykola Bajan et Maksym Ryls’kyi, pour faire semblant de
son engagement communiste, il publie, en 1932, le recueil de poèmes « Forward », son dernier livre. Mais,
la critique bolchévique y voit un faux exemple d’engagement. Marko décide donc
de s’évader à Moscou (en 1933). Il y travaille dans la revue « Nos acquis ».
L’année suivante, en 1934, son père est arrêté et condamné à 3 ans de
déportation. Marko part en Ukraine pour rejoindre son père, en espérant que la
décision du tribunal sera changée. Mais, le lendemain de son anniversaire, le 19
mars 1935, Marko est arrêté lui-même par le NKVD. Il est accusé de la
participation à une organisation terroriste imaginaire… Après 20 jours de
tortures, il s’autoaccuse et signe des fausses accusations de l’activité
terroriste de ses amis Maksym Ryls’kyi et Mykola Bajan. En février 1936, Marko
Voronyi est condamné à 8 ans des camps de Solovki. De là, il va adresser des
lettres au NKVD, en insistant sur le fait que ses aveux ont été mensongers.
Dans le camp,
il désire continuer de se perfectionner : il demande à sa mère de lui
envoyer les adresses des Instituts de Moscou où il pourrait faire ses études
par correspondance ; de lui faire parvenir le papier, les crayons et les
manuels d’anglais, de français et de latin. Sa dernière lettre qui parvient à
sa mère est rédigée en juillet 1937. Le 9 octobre 1937, la troyka de NKVD de Leningrad le condamne à la mort. Il est fusillé
le 3 novembre 1937. Dans un an, à Odessa, son père est fusillé aussi.
Jusqu’à
1956, la mère de Marko Voronyi n’a rien su de son sort, malgré plusieurs
lettres adressées aux organes de pouvoir et à Staline en personne. Le 23
janvier, Marko Voronyi est réhabilité en absence de matière de crime.
VISION
Une fois, j’étais couché à même le sol. Un
lent courant
Emportait tout en haut des nuages d’or
scintillants…
Soudain, je vis, comme dans un coup de
tonnerre,
Le bleu du ciel s’ouvrir et trembler la
terre !
Ainsi que dans un rêve fou d’un pyromane,
La sphère brûlait. Les fantômes en flammes
Se mettaient en couples et se séparaient…
Serrée dans l’uniforme, ma peau se craquelait.
Alors, je vis la sphère terrestre se
précipiter
En compagnie d'innombrables astres,
Dans cet horrible et mortel désastre.
Tout se consuma dans le feu horrible de la
liberté :
Seul restait le reflet du soleil dans les eaux
gelées
Et les disques des lunes avaient l'éclat du
cuivre des pièces de monnaie.
Traduit de l’ukrainien
par Galyna Dranenko
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