« Youriy Fed’kovytch est un talent essentiellement lyrique, - écrit Ivan Franko. Tous ses récits, tous ses meilleurs poèmes sont inspirés des sentiments ardents et personnels d’auteur. Il semble qu’il chante et parle de ce qu’il a vu de ses propres yeux, de ce qu’il a senti des nerfs de son âme. Et là est justement la force magique de sa poésie et le nantissement de sa vitalité, tant que notre langue vivra. Fed’kovytch a mis la meilleure partie de « son âme » dans sa poésie, une telle poésie ne meurt pas et ne disparaît pas ...»
Ces mots ont été prononcés en 1886, à l’occasion du 25ème anniversaire de l’activité littéraire d’Youriy Fed’kovytch, mais, jusqu’à présent, ils n’ont perdu rien de leur actualité. Et même aujourd’hui, la meilleure part de l’héritage littéraire de Youriy Fed’kovytch reste toujours populaire chez les lecteurs. Avec Ivan Franko, ce poète et prosateur talentueux est considéré comme un des plus célèbres écrivains de l’Ukraine de l’Ouest. Youriy Fed’kovytch contribue notamment au développement de la littérature de Bucovine. Actuellement, l’Université Nationale de Tchernivtsi (la capitale de la Bucovine) porte son nom.
Youriy Fed’kovytch (pseudonyme d’Ossyp Dominique Hordyns’kyi-Fed’kovytch) est né le 8 août 1834, dans le village Storontsi-Poutyliv (aujourd’hui la ville de Poutyla dans la région de Tchernivtsi). C’est son entourage familial, l’art populaire et la nature de sa contrée qui marquent le talent et la conception du monde du futur écrivain.
Youriy Fed’kovytch a gardé pour toute sa vie les sentiments les plus tendres envers sa mère et sa sœur aînée. L’art populaire est devenu pour lui une grande école du monde. Les contrastes sociaux de la réalité environnante s’ouvrent devant lui avec leurs traits désagréables dès ses jeunes années. Cette réalité l’opprime de plus en plus, en laissant de nouvelles blessures sur son âme délicate, elle le pousse à des réflexions sur son sort personnel et sur celui de son peuple, et finalement elle le force de lutter contre l’injustice sociale.
Il acquiert l’instruction primaire dans le village de Kysselytsia chez un instituteur privé. Plus tard, il fait ses études dans une école secondaire de Tchernivtsi pendant deux ans. Ses connaissances approfondies de la langue allemande, que Youriy Fed’kovytch puise à l’école de Tchernivtsi apparaissent dans son œuvre germanophone, qu’il entame lors de ses voyages а travers la Moldavie de Nord et la Roumanie. Ses premières œuvres publiées sont : une ballade allemande et un récit romantique “Der Renegat” (1859, les traces de la ballade, publiée en volume séparé, sont perdues).
Youriy Fed’kovytch continue à écrire en allemand jusqu’а la fin de sa vie. Il crée donc deux recueils de poésies (Gedichte, 1865; Am Tscheremusch. Gedichte eines Uzulen, 1882) et il publie une série de poèmes dans des journaux. Quelques œuvres en allemand, parmi lesquelles se trouve la traduction allemande de la tragédie Dovbouch, sont restées sous forme de manuscrit. Dans son œuvre germanophone, Youriy Fed’kovytch traite essentiellement les mêmes problèmes, développe les mêmes motifs que dans son œuvre en ukrainien. Parfois un récit en allemand est la traduction ou bien la réécriture d’un récit ukrainien, ou vice-versa. Les poésies allemandes d’Youriy Fed’kovytch sont louées par Noybauer, elles reçoivent des avis favorables d’Ivan Franko, d’Ossyp Makovey et du critique littéraire tchèque K. Kaldlets. En 1883, le journal viennois “Neue freie Presse” a présenté son recueil “Am Tscheremusch”.
A partir de novembre 1852 jusqu’au février 1963, Youriy Fed’kovytch fait son service militaire dans l’armée de l’empire austro-hongrois. Les jeunes intellectuels de l’Ukraine d’Ouest encouragent cet officier de l’armée autrichienne de commencer à écrire dans sa langue maternelle aussi. Les premières poésies ukrainiennes d’ Youriy Fed’kovytch sont publiées dans la brochure de A. Kobylyanskyi Slovo na slovo do redaktora “Slova”(1861) et elles sont reçues par les lecteurs avec exaltation. La brochure était dirigée contre l’orientation moscovite de la littérature ukrainienne proclamée par B. Didnyts’kiy dans le journal « Slovo » (La Parole). Toutefois, ce dernier s’intéresse au nouveau poète, en remarquant son sentiment artistique. Sous sa rédaction et avec sa préface, il publie à Lviv le recueil Les poésies d’Yossyp Fed’kovytch, en 1862. Le recueil se compose de deux parties. La première partie « Pensées et chansons » comprend 48 poésies lyriques aux sujets différents . La partie « Balades et récits » contient dix œuvres parmi lesquelles sont les ballades Dovbouch, Youriy Hinda et Kyrtchali.
En armée, Youriy Fed’kovytch qui est officier se lie d’amitié avec les soldats. Ensemble, ils chantent des chansons populaires et c’est lui qui les compose. Sa première poème en ukrainien, Le coucher, fait parie de ces œuvres mi-folkloriques mi- littéraires. Il est écrit probablement en mai 1859, durant la campagne d’Italie. Youriy Fed’kovytch porte son intérêt pour l’art folklorique durant toute la vie, il devient un grand connaisseur des œuvres poétiques (chansons houtsouls kolomyiky) et prosaïques (contes, anecdotes, proverbes). Aussi, dans les manuscrits de l’écrivain, reste-il un recueil folklorique « Les meilleures chansons du peuple ruthène de Bucovine. Ses notes contiennent également ses propres œuvres écrites dans le style folklorique. Grâce à son activité ethnographique Youriy Fed’kovytch est élu membre du Département sud-ouest de l’association russe géographique. En 1863, la revue « Vetchernytsi » [1] (l’idée de son fondement appartient à Youriy Fed’kovytch) contient ses premiers récits ukrainiens Liuoba – zhouba, Le cœur ne se fait pas apprendre, Chtefan Slavytch.
L’œuvre d’ Youriy Fed’kovytch est marqué par plusieurs thèmes et motifs : à savoir, les spécialités des coutumes houtsouls (représentées dans plusieurs poèmes et dans la plupart de ses récits, ainsi que dans ses pièces de théâtre Kermanytch, Svatannia na hostyntsi) ; la vie dure des soldats dans l’armée (dans les poèmes Le Recru » (1862) et Le Déserteur (1867), dans les récits Trois comme des frères germains, Chtefan Slavytch). Le motif de la désertion est traité chez l’écrivain comme une idée romantique de l’évasion de ce monde bureaucratique. Dans l’œuvre d’Youriy Fed’kovytch est aussi présent le thème du mouvement de libération populaire contre l’oppression féodale et esclavagiste en Galicie, en Transcarpatie et en Bucovine (oprychkivstvo). Beaucoup de ses œuvres sont dédiés au thème de l’amour (par exemple, Luba-Zgouba).
Youriy Fed’kovytch collabore aux plusieurs éditions de presse « Meta » (Le But), « Nyva » (Le Champ), « Pravda » (La vérité). Il occupe également le poste du rédacteur à « Prosvita », à Lviv (1872 – 1873). De 1863 jusqu’а 1876, Youriy Fed’kovytch réside principalement à Storonets-Poutyliv, où il travaille quelques années comme inspecteur scolaire du district de Vyjnytsia. A cette époque, il publie le recueil qui contient plusieurs œuvres pour les enfants, il compose également un Abécédaire (il n’est pas publié). Dans les années soixante Yuriy Fed’kovytch publie activement ses œuvres (poésies, poèmes, récits, drames) sur les pages de la presse de Galicie. En 1876, d’ Youriy Fed’kovytch termine son cycle poétique Les pensées sauvages et publie le livre Les récits de Yuriy Fed’kovytch qui est composé de récits parus antérieurement dans les éditions périodiques. A cette époque, l’écrivain abandonne la prose pour concentrer ses forces sur l’écriture des pièces de théâtre. C’est encore dès l’année 1856, que Yuriy Fed’kovytch accorde beaucoup d’attention à la dramaturgie. L’écrivain considérait le théâtre comme le genre le plus important dans la littérature, c’est lui qui témoigne du génie de l’auteur et est essence de la littérature même. Il effectue également une série de traductions et d’adaptations des pièces des auteurs étrangers.
Après la mort de son père, l’écrivain déménage à Tchernivtsi, c’est à ce temps-là qu’il s’isole, il s’écarte du travail littéraire et il se plonge dans l’astrologie (son vieux dada). En 1884, les intellectuels de Bucovine essaient de faire revenir l’écrivain à l’activité littéraire et à la vie publique. A partir de 1885, Yuriy Fed’kovytch devient rédacteur en chef de son nouveau journal, « La Bucovine », où il publie encore quelques-unes de ses œuvres. L’année suivante, les milieux locaux célèbrent le 25ième anniversaire de son activité littéraire, ce qui se révèle pour lui un encouragement puissant pour continuer à écrire. L’écrivain est mort à Tchernivtsi, le 11 janvier 1888, où il a été inhumé au cimetière Horetcha.
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