Kyrylo Tourivs'kyi (entre 1130 et 1140 - après 1182)

On peut nommer Kyrylo Tourivs’kyi l’évangéliste le plus talentueux ou même le plus grand écrivain de la littérature ancienne slave. Issu d’une famille aisée résidant à Touraw, (aujourd’hui la région de Gomel, en Biélorussie), la capitale de la principauté de Touraw, il est évêque de cette ville en deuxième moitié du XII s.

L’éducation théologique et l’ascétisme de Kyrylo Tourivs’kyi sont particulièrement perçus dans son œuvre L’hagiographie. On sait aujourd’hui que pour écrire ses textes, il se sert des originaux des œuvres grecques. Jeune, il entre au monastère et il y est déjà connu comme écrivain. Au désir du prince et du « peuple » de Touraw, Kyrylo Tourivs’kyi est consacré comme l’évêque. Certaines de ses œuvres appartiennent à cette période, on y trouve, par ailleur,s des lettres perdues envoyées à André Ier Boholioubski, des sermons, des prières, des œuvres d’office religieux.

Les huit sermons, probablement appartenant à Kyrylo Tourivs’kyi, sont consacrés aux fêtes de dimanche durant les huit semaines avant et après Pâque, commençant par le Dimanche des Rameaux (Dimanche de Saule dans les pays slaves orthodoxes). Notamment, les idées générales des sermons de Kyrylo Tourivs’kyi ressemblent beaucoup à des idées classiques du sermon grec. Maintenant, c’est prouvé que les œuvres religieuses de l’écrivain sont composées d’après les exemples grecs. Pour chacun de ses sept sermons, Kyrylo Tourivs’kyi choisit souvent deux ou trois traductions des sermons grecs, en révèle des idées essentielles, parfois même des images principales. Pour son dernier sermon Le concile des saints pères, il devrait probablement se servir d’un original d’une œuvre historique grecque. Mais Kyrylo Tourivs’kyi ne se limite pas seulement à une simple compilation, il voit apparemment sa tâche dans l’adaptation littéraire du matériel. Il rallonge et raccourcit ses exemples, il les rassemble dans un texte unifié et il embellit les idées du sermon grec par des ornements rhétoriques qui parlent mieux aux cœurs et aux esprits de ses auditeurs.

Le fait que les sermons de Kyrylo Tourivs’kyi ne sont pas originales réduit peut-être notre intérêt envers lui en tant que théologien, mais sans doute il l’augmente envers sa personnalité en tant qu’écrivain et orateur, parce qu’il entre en compétition artistique avec ses grands prédécesseurs, et, il faut le reconnaître, il sort de cette tâche difficile comme vainqueur.

Le moyen compositionnel préféré de Kyrylo Tourivs’kyi est la « dramatisation » de son exposition : il fait les personnages de l’histoire évangélique prendre les paroles, parler les uns aux autres. Exigeant une grande capacité rhétorique du prédicateur, ces sermons sont plus vifs et plus émotionnellement fins.

Le moyen stylistique préféré de Kyrylo Tourivs’kyi est l’antithèse. Ce trait de discours aide les auditeurs à mieux retenir le contenu de ses sermons. Dans les œuvres, c’est surtout l’antithèse de la nature divine et humaine de Jésus Christ.

Des lamentations comme des sermons et des antithèses sont divisés en unités rythmiques particulières. Si l’on lit attentivement les sermons de Kyrylo Tourivs’kyi, on peut même sentir le rythme et les coups rhétoriques, sur lesquels son langage littéraire est construit. Ce rythme de discours est perçu plus clairement là, où il y a des parallèles, où l’orateur dit des phrases similaires par leur sens et leur construction.

Quoique que les idées de ces sermons ne soient pas originales, ils ont un grand succès dans la littérature ancienne slave. Les sermons de Kyrylo Tourivs’kyi sont transférés sur les Balkans, ils font parties des œuvres de haute autorité des saints pères. Ils font également partie des recueils de sermons publiés en XVII – XVIII s., dédiés particulièrement à la lecture. Pierre Mohyla parle de Kyrylo Tourivs’kyi comme d’un grand orateur de la Rouss’ de Kyïv, et Kyrylo Trankvilion Starovrets’kyi le suit même dans son Evangile Educateur. Plus tard, l’écrivain est imité dans la littérature russe du XVII s.Le langage de Kyrylo Tourivs’kyi est simple. Il se sert des mots de la langue populaire, quoi qu’il se tienne surtout aux normes slaves ecclésiastiques. Par contre, toute la construction rhétorique de ces sermons ne rentre pas entièrement dans le cadre du « grand style » du sermon grec. Le rythme de ces œuvres est très proche à celui des chants ecclésiastiques et des prières.

D’après Dmytro Tchyjevs’kyi

Histoire de la littérature ukrainienne

(New-York, 1956)

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