Poète,
linguiste, polyglotte, Ahatanhel Kryms’kyi est un homme de lettres dont les
travaux restent toujours actuels
Ahatanhel Kryms’kyi est né
le 15 janvier 1871, à Volodymyr-Volyns’kyi. C’est un enfant prodige qui sait
lire à l’âge de trois ans. Son père est d’origine tatare et biélorusse, la
famille de sa mère provient d’aristocratie polonaise et lithuanienne. Issu de
l’environnement russophone, Ahatanhel Kryms’kyi souligne souvent qu’il n’a
pas « une goutte de sang ukrainien... Je suis né et j’ai grandi en Ukraine, c’est là
où je me suis ukrainisé ». A l’âge de cinq ans, il entre à l’école de
Zvenyhorodka, région de Tcherkassy, où sa famille déménage peu après. Puis, il continue
ses études aux classes préparatoires de gymnasium d’Ostroh ; puis, il est
inscrit au gymnase de Kyïv. A 18 ans, il termine le Collège de Pavlo Halahan,
où il a appris plusieurs langues, à savoir : le français, l’anglais,
l’allemand, le polonais, le grec, l’italien, le turc et le latin. Lors de ses
études à Kyïv, il fait connaissance aux nombreux intellectuels ukrainiens. Il se
lie notamment d’amitié avec Lessia
Oukraïnka. Ils entretiennent la correspondance jusqu’à la mort de l’écrivaine
en 1913.
Jusqu’ à 1918, Ahatanhel
Kryms’kyi vit en Russie. Il y fait ses études à l’Institut des langues
orientales. A l’âge de 25 ans, il y enseigne l’arabe. A 30 ans, il y est
professeur de la littérature orientale. Il traduit le Coran en russe et publie des
manuels de langue. On se sert jusqu’aujourd’hui de ses ouvrages sur les
littératures arabe, persane, turque et celle d’autres nations du Proche et du
Moyen Orient. Ahatanhel Kryms’kyi élabore de nouveaux courants dans la science
ukrainienne, parmi lesquels on trouve l’ « orientalisme » (les études de l’Orient et du monde arabe). Il
démontre que la culture de l’Ukraine est étroitement liée à celles de la Turquie
et de l’Iran. Quand on demandait à Ahatanhel Kryms’kyi combien de langues il
connaissait, il répondait en plaisantant qu’« il était plus facile de lui
demander combien il n’en connaissait pas ». Néanmoins, on en compte de 60
à 100 langues. Ahatanhel Kryms’kyi a une mémoire phénoménale et se plaint à ses
amis qu’il a du mal à oublier les choses.
Durant le Hetmanat de Pavlo Skoropads’kyi (l’Etat
de l’Ukraine indépendante du 29 avril au 14 décembre 1918), Ahatanhel Kryms’kyi
déménage à Kyïv, où il occupe le poste du Secrétaire scientifique de l’Académie
Nationale des Sciences d’Ukraine. Ahatanhel Kryms’kyi devient professeur à
l’Université de Kyïv, il est également directeur de l’Institut de recherche sur
la langue ukrainienne. Il rédige des études sur l’ukrainien, à savoir :
« La grammaire ukrainienne », « Les essais sur l’histoire de la
langue ukrainienne », « Le parler de l’Ancien Kyïv »,
« L’ukrainien. D’où il vient et comment il se développe ». L’auteur y
affirme que, dès le XIe siècle, l’ukrainien existe en tant qu’« une
unité bien distincte, désignée et individuelle ».
Dans ses ouvrages, Ahatanhel
Kryms’kyi démontre le caractère faux de la fameuse idée de l’ « unité
slave » sous forme des « trois
peuples fraternels » (le biélorusse, le russe et l’ukrainien), ce qui
lui procure les poursuites rapides par le pouvoir. A partir de 1928, le
chercheur est privé de tous ses postes et, surtout, il est séparé de ses
doctorants. Ainsi, Ahatanhel Kryms’kyi doit mener une existence très modeste,
son unique revenu est une mince retraite de professeur. Néanmoins, il aide d’autres
gens. N’étant pas marié, il adopte un jeune paysan doué Mykola Levtchenko qui devient
son assistant et secrétaire personnel. Lors des purges des années 1930, les
nkvdistes n’osent pas arrêter un professeur âgé de 62 ans. C’est Mykola
Levtchenko qui est emprisonné en 1933, et, sous la pression de chantage des
bourreaux bolchéviques, il se suicide en 1934.
En 1940, à la réunification
de l’Ukraine, Ahatanhel Kryms’kyi va à Lviv où il fait des conférences. Elles ont
un grand succès en Ukraine occidentale. Ahatanhel Kryms’kyi contribue à y créer
de nouvelles institutions scientifiques. En janvier 1941, Ahatanhel Kryms’kyi
fête son 70e anniversaire, il est décoré de la décoration soviétique
prestigieuse – celle du Drapeau Rouge du travail (connue sous nom d’Ordre de
Lénine), on lui attribue également le titre du professeur émérite.
En 1941, la guerre touche l’Ukraine.
Ahatanhel Kryms’kyi se rend aussitôt en Ukraine soviétique pour sauver ses
manuscrits. Quelques mois après sa vénération nationale, le NKVD l’arrête à
Zvenyhorodka, sa ville natale, le déclare « idéologue du nationalisme
ukrainien bourgeois et chef de l’organisation clandestine nationaliste »
et l’envoie à Kazakhstan dans les wagons à bétail, avec d’autres intellectuels
et hommes des lettres ukrainiens. Il décède dans la déportation, à l’hôpital de
prison à Koustanaï, à Kazakhstan. La date officielle de sa mort est le 25
janvier 1942. Son nom est réhabilité en 1957.
Les
ouvrages d’Ahatanhel Kryms’kyi
- Andryi Lahovs’kyi
- Le manuscrit antichrétien « De la foie juste » du cheik Ziyade ibn-Akhï
- Les récits de Beyrouth. I. « La corruption des mœurs »
- Dans les montagnes de Liban. Seil à l’étranger. Les mélodies avant la mort
- Œuvres orientales choisies en cinq volumes
- L’Université musulman al-Azhar à Caire, son passé, sa science contemporaine, sa publication et son activité journalistique
- Certains critères vagues sur la classification dialectologique des anciens manuscrits de Rus’
- La patois de l’Ancien Kyïv
- Des poètes arabes
- De la captivité
- La région de Zvenyhorodka. La patrie de Chevtchenko de vue de l’ethnographie et dialectologie
- Des annales de Beyrouth de XVI-XVIII siècles
- L’histoire des arabes. Leur califat, leur destin et la revue de la littérature arabe
- L’histoire des musulmans
- L’histoire de la Perse, sa littérature et de la théosophie derviche (en 3 volumes)
- L’histoire des Khazars dès l’ancienneté jusqu’au Xe siècle
- De la question des anciens récits religieux de la Petite-Russie
- L’histoire des légendes errantes des juges sages
- L’islamisme et son avenir
- D’Omar Khayyâm
- Les règles les plus importantes de l’orthographe ukrainienne
- Les essais sur l’histoire de la langue ukrainienne
- Ils ne vont pas s’entendre. De la vie des hystériques
- Nizami et ses contemporains
- Des noms verbaux petit-russiens
- Un essai sur le développement du soufisme jusqu’à la fin de l’âge de gijra
- Les essais sur l’histoire de l’orientalisme en XVI et XVII siècles. Les premiers pas de la science ouest-européenne de l’Orient en XVIe siècle
- Les branches de palme. Les poésies exotiques
- Sur l’étymologie des mots « tchovhan » et « savladjan »
- Les récits et les croquis sur la vie ukrainienne
- Le cours de la langue petit-russienne
- Le compte rendu sur « Polissia biélorusse. Le recueil des matériaux ethnographiques fait par M. Dovmar-Zapols’kyi »
- L’affaire de l’orthographe. Le compte rendu sur Dr. Smal-Stots’kyi
- J’ai brisé mon bonheur moi-même
- Les langues et les peuples sémitiques par Théodore Neldeke
- Les études de la Crimée
- La grammaire ukrainienne
- La philologie et l’hypothèse de Pogodine
- Chevtchenko dans les récits populaires
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