Arkadiy Lubtchenko (1899-1945)


Arkadiy Lubtchenko est né le 20 mars 1899, dans le village de Starojyvotiv du district d’Ouman (actuellement, Novojyvotiv de la région de Vinnytsia), dans une famille des paysans. Lors de ses études au gymnasium à Skvyra (à présent, la ville dans la région de Kyïv), il travaille comme répétiteur et, simultanément, il fait ses premiers pas dans la littérature, en faisant publier ses premiers écrits dans le journal local. En 1918, il s’inscrit à la faculté de médecine à l’Université de Kyïv. Il suit les cours avec de fréquentes interruptions.
Les renseignements sur sa vie lors des premières années postrévolutionnaires sont ambigus. Dans son Journal, Arkadiy Lubtchenko indique que, en 1921-1922, il a été sous les drapeaux de l’Armée rouge et a joué au théâtre ; que, pendant la Révolution, il a été le membre du Comité exécutif local bolchévique. Mais, dans son livret militaire, il est marqué que, en 1920, pendant plusieurs mois, il a été prisonnier de l’Armée de Simon Petlioura. Il est tout à fait possible qu’il lutte dans l’Armée de la République Populaire Ukrainienne, avant de tomber dans les mains des « rouges » (« le purgatoire de Vinnytsia »), en 1920. En effet, il mentionne, dans son Journal, l’épisode quant un jeune étudiant nkvdiste le libère de la prison. A partir de 1921, Arkadiy Lubtchenko est infirmier dans l’Armée rouge ; il est aussi acteur dans une troupe ambulante qui suit son unité militaire. Cette passion pour le théâtre devient plus tard un vrai métier pour le futur écrivain. En effet, après la guerre civile, il obtient une place dans la troupe du Théâtre National Ivan Franko, avec laquelle il effectue des tournées à travers toute l’Ukraine soviétique. C’est dans ce théâtre qu’il rencontre sa première épouse, Olha Hors’ka.
Lors de son séjour à Kharkiv, il fait connaissance avec de jeunes artistes qui l’invitent à s’inscrire dans le groupe artistique « Hart ». A partir de 1924, Arkadiy Lubtchenko occupe le poste du secrétaire général du département théâtral de « Hart », il travaille également dans la section de la littérature auprès des Editions Nationales de l’Ukraine. La même année, il publie ses premiers récits, Hordiyko et Ziama. Ce dernier récit lui apporte un vrai succès. Très vite, Ziama est traduit en hébreu, en russe et en français.
En 1925, Arkadiy Lubtchenko devient membre, mais aussi le secrétaire général de vaplite. Il se lie d’amitié avec plusieurs hommes des lettres éminents : Mykola Khvylovyi, Mykola Koulich, Pavlo Tytchyna, entre autres. Cette année, il publie plusieurs œuvres en prose, rassemblées, en 1926, dans le recueil « Le Chemin d’orage ». A cette époque, il est convoqué à nkvd pour s’expliquer sur son travail d’éditeur… Au fait, le temps de vaplite est très fructueux pour la création littéraire de l’écrivain. Paraissent Deux lettres, Via dolorosa, La Blessure, Vertep… Cette activité créatrice intense, presque fiévreuse, est répandue dans tout le groupe. Comme si c’était la dernière chance d’écrire…
A ce temps-là, pratiquement tous les membres de vaplite ont fait des séjours à l’étranger. Arkadiy Lubtchenko, accompagné de Valerian Pidmohylnyi visitent Berlin. Après ce voyage, il commence à se passionner de l’allemand, en faisant des tentatives de traduire (avant, il traduisait déjà du français, notamment les œuvres de François Mauriac et d’Alphonse Daudet).
Suite aux poursuites du pouvoir bolchévique, en 1928, vaplite est forcé à s’autoliquider. Presqu’aussitôt, ses membres se rassemblent dans un autre groupe, « Foire littéraire ». La revue éponyme, illustrée par Anatole Petryts’kyi, est une des éditions littéraires les plus originales des années 1920 en Ukraine. Pourtant, ce groupe est également dissolu, ainsi que le suivant, Politfront. Vers la fin des années 1920, les écrivains ukrainiens perdent la liberté de la parole artistique. Le seul groupe d’écrivains autorisé est l’Union des écrivains ukrainiens créée par le pouvoir en place.
En 1932, avec les récits écrits antérieurement, Arkadiy Lubtchenko forme et fait paraître le recueil Les Voiles des angoisses, ainsi que deux volumes des Œuvres. A cette époque, il fait des traductions, travaille comme journaliste et voyage beaucoup à travers le pays pour rédiger les reportages commandés par les journaux. C’est dans ce cadre que, en 1933, il effectue le voyage à travers les villages affamés, accompagné de Mykola Khvylovyi. Ses impressions de ce voyage donnent lieu à l’essai L’Enigme de Khvylovyi (Paris, 1943). Il écrit également la nouvelle Kostryha (1933), le premier témoignage littéraire sur le Holodomor. Ce récit est le dernier à toucher à la problématique sociale et politique dans les écrits « soviétiques » d’Arkadiy Lubtchenko.
Pour se faire réhabiliter dans les yeux du pouvoir, comme ses nombreux collègues, il est obligé de faire son « autocritique », le mea culpa à la soviétique. Ainsi, en 1934, il s’autoaccuse du nationalisme. Il se met donc à écrire des récits sur la vie des mineurs-stakhanovistes et il entame le roman jamais achevé, Horlivka. L’écrivain prosateur crée quelques pièces de théâtre (La Terre brûle, Le Fils de Taras, A moi-à toi) et un scénario de cinéma, Katria. Les spectateurs ne verront jamais ces œuvres mises en scènes ou portées à l’écran. En 1936, Arkadiy Lubtchenko fait paraître encore un recueil de nouvelles choisies, composé des écrits antérieurs auxquels il rajoute quelques-uns, rédigés dans les années 1930. L’édition de ses œuvres la plus complète, mais aussi la dernière en urss, voit le jour en 1937 (Œuvres choisies). Après 1937, l’intérêt de nkvd envers l’écrivain s’intensifie. En 1938, il est derechef arrêté. Il est inconnu comment l’écrivain a réussi à sortir vivant de cet engrenage. Après sa sortie de la prison, sa situation est ambiguë. Les uns le considèrent comme un traître, les autres voient en lui un « ennemi du peuple ». Il a de plus en plus du mal à publier ses œuvres et à réaliser ses scénarios.
A partir de 1941, Arkadiy Lubtchenko tient un journal qui relate sa vie jusqu’à la mort. L’écrivain refuse de quitter l’Ukraine lors de l’occupation allemande à instar de ses collègues. A Kharkiv, enthousiasmé par le changement du pouvoir, il se met à travailler dans le journal local. Il publie trois éditoriaux dans les premiers jours de sa fonction. Ensuite, la déception arrive. La vie « sous les Allemands » ne s’améliore pas. Il part pour Kyïv où il rencontre, entre autres, Oulas Samtchouk. Le retour aux activités littéraires y est temporaire. En effet, Arkadiy Lubtchenko souffre depuis 1934 d’ulcère, acquis après la maladie de typhus. Pendant la guerre, la maladie s’aggrave, mais l’écrivain ne peut pas obtenir l’aide médicale adaptée. La solution vient de l’Ukraine non-soviétique : au printemps et en été 1943, ses collègues de Galicie lui organisent un séjour dans la ville balnéaire, Morchyn. C’est là qu’il écrit l’essai L’Enigme de Khvylovyi. De retour à Lviv, il voit son recueil Vertep paraître.
Le 18 novembre 1943, soupçonné d’être un espion bolchévique, Arkadiy Lubtchenko est arrêté par la gestapo. Après plus de deux mois de prison, il succombe de nouveau à sa maladie. De plus, le front soviétique approche ; L’écrivain décide d’émigrer en Allemagne. Avec son fils, il s’installe à Potsdam, en rêvant d’y éditer une revue ukrainienne. Cependant, la santé lui fait défaut, l’opération s’impose. Le 14 février 1945, trois jours après être opéré, Arkadiy Lubtchenko décède. Le Journal est sa dernière oeuvre.

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