Les’ Kourbas (1887-1937)






« L’art, et surtout l’art théâtral, doit revenir à sa forme initiale, à savoir à un acte religieux.  Dans le fond, l’art c’est un acte religieux.  Le  théâtre est alors un temple qui doit rester pur et silencieux, même si l'on y fera des prières différentes »

Les’ Kourbas


Wanda Kourbas
           Les’ (Oleksandr-Zenon) Kourbas  est né le 25 février 1887, à Sambir (actuellement dans la région de Lviv), dans une famille des artistes Stèpane et Wanda Kourbas, se produisant sous le nom de Yanovytch. Son père, , manque à la vocation familiale pour la religion et se consacre au  théâtre. Les parents Kourbas voyagent beaucoup. Enfant doué, Les’ Kourbas apprend par cœur en peu de temps le répertoire du théâtre ambulant où travaille son père. Il exerce son talent artistique en organisant les présentations avec les autres enfants des artistes.  Malheureusement, Stèpane Kourbas a dû bientôt quitter la scène à cause d’une maladie de nerfs. Il s’installe au village Staryi Skalat, dans sa propriété paternelle. Profitant de la riche bibliothèque de son grand-père, Les’ Kourbas plonge dans la lecture. Les connaissances de huit langues étrangères lui permet de lire beaucoup en original.
Stépane Kourbas
              Elève du gymnasium, Les’ Kourbas se met déjà à écrire. En 1906, une de ses œuvres, Dans le délire, est publiée dans la revue « Journal littéraire et scientifique ». En 1907, Les’ Kourbas s’inscrit à la faculté des lettres, à l’Université de Vienne. A Vienne, il fréquente l’atelier de théâtre où il voit le courant impressionniste prendre son essor. Les idées de Rudolf Steiner et son expérience dans le domaine artistique ont beaucoup marqué le jeune Les’ Kourbas qui fondera par la suite son théâtre sur les principes d’anthroposophie et d’eurythmie.
Troupe de Les' Kourbas

            Après la mort de son père, en 1908, Les’ Kourbas va à Lviv et y poursuit ses études en philosophie, à l’Université. Etudiant de talent, il participe également aux mises en scène des théâtres amateurs, mais aussi crée son propre théâtre au sein de l’assemblée d’étudiants de l’Université de Lviv, écrit des scénarios, traduit des œuvres littéraires du polonais et de l’allemand en ukrainien. Le jeune artiste est exclu de l’Université pour sa participation à la grève des étudiants réclamant l’enseignement en ukrainien. Ainsi Les’ Kourbas se trouve privé de la possibilité de poursuivre les études, et il se consacre entièrement au théâtre. 
            En 1912, il joue au théâtre houtsoul de Hnat Khotkèvytch qui mettait en scène les  pièces évoquant les traditions nationales des Ukrainiens. De nombreuses tournées en Galicie, Bucovine et à Cracovie témoignent de la popularité de ce théâtre folklorique. Deux ans de suite, Les’ Kourbas perfectionne sa maîtrise artistique au théâtre « Parole 
Les' Kourbas
de Rous’ ». Ses rôles dans les pièces Le Bonheur volé d’après l’œuvre d’Ivan Franko et Soleil de ruine d’après le texte de Vassyl Patchovskyi ont le succès énorme.
Mobilisé dans l’armée austro-hongroise, pendant la première guerre mondiale, Les’ Kourbas arrive à Ternopil, en 1915. Il y organise « Les soirées théâtrales de Ternopil » et implique la jeunesse talentueuse dans la mise en scène d’une trentaine des pièces. En ce même temps, le coryphée du théâtre ukrainien, Mykola Sadovs’kyi, l’invite à travailler dans son théâtre à Kyïv. Le génie d’acteur de Les’ Kourbas s’est manifesté dans les personnages créées en scène kyïvienne, surtout dans le rôle de Khlestakov à L’Inspecteur de Mykola Hohol et dans celui de Zbihnev à Masepa de Yuliouch Slovats’kyi. Les’ Kourbas a su marier les meilleures traditions théâtrales ukrainiennes à sa manière artistique incomparable.
Femme de Les' Kourbas,
Valentyna Tchystiakova,

la comédienne de son théâtre
Ses dons dépassent le cadre de comédien et s’épanouissent dans le métier de metteur en scène. Les’ Kourbas quitte le théâtre de Sadovs’kyi et organise une troupe pour les jeunes acteurs qui s’est transformé par la suite en Nouveau théâtre. Les événements de 1917 l’incitent à faire du théâtre le porte-parole de la société, prise d’envie de construire l’Ukraine indépendante. Les’ Kourbas a pour le but de réaliser l’expérience de 300 ans du théâtre professionnel mondial en deux ou trois ans. Chaque spectacle est voué à représenter une époque dans l’histoire de l’art : de l’antiquité grecque au naturalisme et modernisme : c’est une école particulière, un style approprié, une méthode de jeu et une décoration originales.
La recherche des nouvelles formes et méthodes de la mise en scène des pièces devient prioritaire pour le Nouveau théâtre. Son répertoire contribue à la popularisation de la littérature ukrainienne classique et moderne en interprétant les œuvres de Taras Chevtchenko, Lessya Oukraїnka, Volodymyr Vynnytchenko, Stèpane Vasyltchenko, Oleksandr Oles’, Ivan Franko et d’autres.
Troupe de Les' Kourbas
Les’ Kourbas a des activités multiples liées au théâtre. Il est à l’origine de la création des revues « Nouvelles de théâtre », « Barricades de théâtre » et « Théâtre soviétique ». Les’ Kourbas écrit des articles critiques sur la vie théâtrale contemporaine, attire l’attention du public au nouveau répertoire, aux nouvelles formes scéniques, accentue les problèmes théoriques du théâtre et son rôle dans la société. En plus, il traduit des articles sur l’art et des œuvres dramatiques et poétiques des écrivains et metteurs en scènes étrangers. Les’ Kourbas a fait un grand apport dans la formation des comédiens. En 1922-1926, il enseigne à l’Institut de musique et de drame Mykola Lyssenko, dirige la faculté de dramaturgie. Les’ Kourbas contribue aussi au développement du cinématographe ukrainien. Pendant les années 1924-1925, il réalise les films Allumette suédoise, Vendetta, Aventures de Mac-Donald et Les Ouvriers d’Arsenal.
Mise en scène de la pièce
 de Georg Kaiser Gaz à Bérèzile
Les’ Kourbas travaille beaucoup pour mettre en scène les œuvres musicales telles que Noyée d’après Mykola Lyssenko, opéra Halka d’après Monuchko, spectacle chorégraphique Rêves sur la musique de Chopin, ballet Asiadé d’après Hutel.  Les’ Kourbas crée lui-même un libretto et joue au spectacle, travaille sur l’opéra Taras Boulba d’après Mykola Lyssenko. Malheureusement, l’invasion de l’armée de Denikin en 1919, a empêché la réalisation de ces représentations. En 1920, Les’ Kourbas crée le théâtre dramatique de Kyïv nommé Kyidramt (Théâtre dramatique de Kyïv) qui fait des tournées d’abord à Bila Tserkva et après à Ouman’. Kyidramt devient théâtre professionnel, obligé de faire un nouveau spectacle toutes les semaines.
Théâtre dramatique de Kharkiv
En 1922, Les’ Kourbas revient à Kyïv et inaugure son célèbre théâtre Bérèzile où il réunit près de 250 artistes, les jeunes et les expérimentés. Il y avait des cours de formation professionnelle pour les acteurs et l’atelier pour les peintres décorateurs de théâtre. Bérèzile est à l’origine du développement de tous les domaines du théâtre ukrainien : théâtre dramatique et expérimental, opéra, opérette, variétés, cirque, etc. Les’ Kourbas fonde les bases de la véritable science théâtrale. Il crée le premier musée de théâtre.

Pendant les années 1922-1926, le théâtre de Les’ Kourbas, prénommé « théâtre politique », se base sur l’esthétique expressionniste. Le flux de conscience et la subjectivité accentuée de personnage agissent avec une nouvelle force sur les spectateurs. Les’ Kourbas est le premier à introduire dans le théâtre les procédés cinématographiques tels que la lumière, le montage, le gros plan et la musique.
En 1926, en tant que le théâtre ukrainien principal, Bérèzile déménage dans la nouvelle capitale de l’Ukraine, Kharkiv. A l’époque quand le théâtre soviétique propage les idées du socialisme bolchévique, où le rôle de l’individu est minime et la morale est pervertie,  Les’ Kourbas fait de Bérèzile le théâtre philosophique (1926-1933) afin de montrer les modifications tragiques de la conscience humaine, provoquées par le régime totalitaire.
Mise en scène de la pièce
de Mykola Koulich 97 (1930)
En onze ans de son existence, Bérèzile a monté 45 pièces. Les travaux de Les’ Kourbas en constituent la moitié : pièces, scénarios, traductions et mises en scène. Le répertoire du théâtre comporte les pièces de la littérature européenne et ukrainienne, tant classiques que  contemporaine. Les’ Kourbas établit une sorte de collaboration créative entre Bérèzile et VAPLITE, dans le cadre de laquelle les membres de VAPLITE  écrivent les œuvres destinées à la mise en scène à Bérèzile. Sa troupe interprète les pièces des écrivains ukrainiens dits de la « Renaissance fusillée », à savoir : Mykola Koulich, Mykola Khvylovyi, Mykhaïlo Yalovyi, Mike Johansen, Ivan Dniprovs’kyi, Ivan Mykytenko, Ivan Koulyk, Ostap Vychnya, Yuriy Smolytch, etc.
Les' Kourbas et Vadym Meller
Le génie de Les’ Kourbas atteint son apogée en collaboration avec le dramaturge Mykola Koulich (1892—1937) et le peintre Vadym Meller (1884—1962). C’est la mise en scène du drame de Mykola Koulich Malakhiy populaire (1927) qui a le plus impressionné les spectateurs.  Cette représentation est devenu un chef-d’œuvre théâtral et fait partie des 100 meilleurs pièces du XXe siècle. En même temps, ce spectacle ainsi que les représentations précédentes de Les’ Kourbas ont provoqué la réaction hostile du pouvoir. 
Accusé d’avoir blâmé la réalité soviétique, Les’ Kourbas est arrêté en 1933 à Moscou, où il travaillait pour le théâtre juif de Solomon Mykhoelse.

Les’ Kourbas reste fidèle au  théâtre même dans le camp de concentration de Solovki, où il continue à mettre en scène les pièces. Le 3 novembre 1937, il est fusillé à Sandarmokh. Vingt ans après, en 1957, Les’ Kourbas est réhabilité. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire